samedi 11 juillet 2009

Mon clavioteur : Enseigner, puis se faire maître.


Article déposé sur ce blog en juillet 2009
Préambule en forme de CV nécessaire à l'accréditation des propos qui suivront.
Je suis né dans cette école, parce que je suis issu d'enseignants.
Ça m'a certainement conditionné.
Les difficultés de la vie ont fait que très tôt j'ai fréquenté les colonies de vacances de façon intensive : vers 5 ans les 2 mois d'été, puis à chaque période de congés, dès que les vacances à la neige furent mises en place.
Ado, j'ai continué, vacances de ski + séjours à l'étranger ... Jusqu'au jour où pour gagner de l'argent je devins «mono», durant chacun des congés scolaires. Finalement une vingtaine de séjours avec des groupes d'enfants différents et des groupes d'adultes encadrants constitués d'étudiants ou d'instituteurs qui « en voulaient ».
Je lâchais mes études en IUT Génie civil : je me sentais plus investi, plus compétent, plus valorisé dans mes actions auprès des enfants, d'autant plus qu'on me confiait le plus souvent les loustics les plus âgés, les plus délicats à manœuvrer.
Tu deviendras instituteur, comme ton père, et ta mère :
Chapitre plus polémique.
J'avais le Bac E et une expérience pédagogique.
il me suffisait de passer le concours pour entrer à l'École Normale. Maths, Français, Sciences, ...
et Dictée !
Mais écrire « language » et autres fautes d'orthographe est interdit et éliminatoire.
J'avais travaillé des semaines avec des enfants souvent difficiles mais je ne pouvais pas être considéré capable d'enseigner puisque que j'avais 0 en dictée.
Heureusement, ma mère était institutrice; nous habitions un logement de fonction dans une école où tous les voisins étaient instituteurs-maîtres formateurs, donc bien informés!
On me conseilla immédiatement de m'inscrire sur la liste des « Instituteurs suppléants éventuels ». Il y avait pénurie de remplaçants dans les écoles, on embauchait par cette voie et à l'essai n'importe qui titulaire du bac, je ne sais plus si la moindre expérience pédagogique était exigée.
[ On retrouvera de la part de l'administration, une démarche équivalente vers 1990, pour des femmes surnommées « Utérus 3 » parce qu'il suffisait qu'elles aient eu trois enfants pour tout bagage pédagogique. ]
Et dès le début du mois d'octobre suivant, je me retrouvais en responsabilité, seul, devant une classe de « grande section de maternelle » dans l'école d'une coquette campagne.
Parrainage ou piston, je continue ma formation.
Mais, toujours bien placé dans mon voisinage d'instituteurs je fus chaudement recommandé*  par l'un d'eux avec qui j'avais assuré un paquet de colos. Recommandé grâce au travail fourni et non pas par un quelconque piston.
L'Inspecteur d'Académie recherchait des
enseignants capables d'encadrer l'internat,
le ski, la découverte du milieu (éveil) et prendre une classe en main « à la volée » au cas où.
Les classes de neiges, domaine porteur à cette époque, commençaient en novembre et se terminaient en mai.
Il fallait vivre -survivre?-
au milieu d'une communauté d'une centaine d'enfants accompagnés de leurs trois ou quatre instituteurs, 24h/24h,
ça veut dire être disponible pédagogiquement pendant 6 mois – y compris les transferts en autocar : AR = 800 km X 2 !
C'est une sorte de long morceau de musique où il faut apprendre à apprécier les mélodies et à gérer chaque fausse note : comportements déviants d'adulte ou d'enfant, accidents, contagions, contradictions administratives, neige, ... Mais il faut absolument que la musique continue.
J'ai fait beaucoup de progrès en pédagogie, mais je n'ai pas amélioré mon orthographe.
CAPacification !

La photo représente l'aspect extérieur de notre lieu de travail. Sympa la cour d'école, non? (lieu authentique !)
Un jour, la 2ème année, l'Inspecteur d'Académie s'est aperçu de notre absence de formation pédagogique « initiale ».
Il nous créa donc un stage d'un an l'année suivante, 1973 !, pour une formation initiale
à l'Ecole Normale de garçons pour nous les jeunes hommes, et
à l'Ecole Normale de jeunes filles pour les jeunes femmes
avec qui nous passions toutes nos soirées et nos nuits puisque nous vivions ensemble depuis 2 ans.
L'année de formation étaient sanctionnée par le passage du CAP d'instituteur. Un peu trop rebelle, je me suis vu à nouveau boulé, considéré comme incapable pédagogique.
MAIS, l'année suivante, j'étais toujours enseignant responsable,
et je retrouvais les classes de neige, le soleil, les gosses, les gens du pays, ... et je passais à nouveau le CAP mais dans la circonscription des Alpes où je n'étais connu que par mes pratiques relevées lors d'inspections locales de l'Education Nationale, la Jeunesse et Sports, la sécurité des collectivités d'enfants...
Du coup, tiens, je vous le dis : 14/20 (au lieu de 7/20 dans la région parisienne). Le CAP pratique ne fut qu'une formalité avec un groupe de gamins qu'on connait, qu'on suit 24/24.
L'Inspecteur d'Académie est revenu nous inspecter, la fête était terminée, il fallait réintégrer les écoles de la Région Parisienne.
Comme durant ces années on m'avait souvent confié les groupes difficiles, l'Inspecteur d'Académie m'inspecta en me réservant déjà pour ses effectifs d'instituteurs spécialisés.
Les classes de neige n'étaient plus à vendre; l'intégration, l'adaptation scolaire des jeunes en difficultés était le nouveau dada ministériel.